09/02/2019 voltairenet.org  4min #151947

 La rencontre entre des Gilets jaunes et Luigi Di Maio est une «provocation inacceptable» pour Paris

« Pourquoi j'ai voulu rencontrer des représentants des « gilets jaunes » »

Réseau Voltaire | Rome (Italie) | 9 février 2019

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Après le rappel par le gouvernement français de son ambassadeur [jeudi 7 février], la première chose que je voudrais répéter avec force, c'est que l'Italie et le gouvernement italien considèrent la France comme un pays ami et son peuple, avec sa tradition démocratique millénaire, comme un point de référence, au niveau mondial, dans les conquêtes des droits civils et sociaux. En tant que ministre du développement économique, du travail et des politiques sociales, j'ai toujours regardé la France et son système d'Etat-providence comme « l'étoile polaire » des droits sociaux européens. Je ne suis pas étonné que le peuple français montre des signes considérables de malaise vis-à-vis du démantèlement de certains de ces droits. Et ceci ne concerne pas seulement le gouvernement actuel.

Vous devriez savoir qu'en 2016 j'ai fait une visite à l'Assemblée nationale, au moment où ont débuté les grandes manifestations populaires contre la réforme du droit du travail voulue par François Hollande, qui a ensuite été poursuivie de façon à rendre le travail encore plus précaire. Ces recettes ultralibérales ont été menées par des partis de droite comme de gauche, ont précarisé la vie des citoyens et en ont fortement réduit le pouvoir d'achat.

J'avais été très marqué par le fait de trouver, parmi les revendications du manifeste des « gilets jaunes », des thèmes qui désormais dépassent la droite et la gauche et qui mettent au centre le citoyen et ses besoins, dans une attitude post-idéologique.

C'est pour cette raison que j'ai voulu rencontrer des représentants des « gilets jaunes » et de la liste RIC, parce que je ne crois pas que l'avenir de la politique européenne soit dans les partis de droite ou de gauche, ou dans ces partis qui se disent « nouveaux » mais sont en réalité le fruit d'une tradition, voire d'une histoire familiale.

En Italie, nous regardons avec beaucoup d'attention et de respect ce qui se passe en France. Par ailleurs, tous les jours, en tant que gouvernement italien, nous cherchons à prendre des initiatives destinées à rétablir les droits des citoyens, en inversant la route par rapport au passé, à ce temps où l'action politique avait pour seul objectif d'ôter des droits et des possibilités économiques aux plus faibles pour tout offrir aux potentats économiques.

Ceci parce que nous voulons que la qualité de vie soit meilleure pour les citoyens. Nous pensons, en effet, que là où il y a un équilibre, les conflits peuvent s'apaiser.

Un point de référence

Dans la dernière loi de finances, nous avons décidé d'augmenter les impôts sur les jeux de hasard, les banques, les compagnies d'assurance, les multinationales qui extraient le pétrole dans notre mer, et dans le même temps de réduire d'un demi-milliard les dépenses militaires, pour financer des mesures qui permettront à 1 million d'Italiens de partir à la retraite plus tôt et à 5 millions d'Italiens de recevoir un revenu minimal.

Dans le même temps, nous allons débloquer 1 milliard d'euros d'investissements dans les start-up innovantes et nous avons recalibré la fiscalité des petites et moyennes entreprises qui, malgré les fortes difficultés, nous ont permis de devenir la deuxième puissance industrielle en Europe, tout en les protégeant de l'étau infernal de certaines directives européennes, comme celle sur la libéralisation des services (dite Bolkestein). Enfin, nous nous sommes attaqués aux « retraites dorées », et aux rentes viagères de privilégiés.

Nous regardons votre peuple comme un point de référence et pas comme un ennemi, et les divergences politiques et de vision entre le gouvernement français et italien ne doivent pas affecter le rapport historique d'amitié qui unit nos deux peuples et nos deux Etats.

Pour cette raison, en tant que représentant du gouvernement de mon pays, je tiens à réaffirmer la volonté de collaboration de notre exécutif, sur les questions qui nous tiennent le plus à coeur, en tant que membre fondateur de l'Union européenne.

 Luigi di Maio

 Le Monde (France)

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